La fin d’une période
L’objet de ces rencontres était de rendre compte des résultats des dernières recherches lancées par la Fondation Santé et Radiofréquences avant de disparaître en 2010.
Petit rappel historique pour ceux qui n’ont pas suivi les différentes étapes : En 2005 était créée la Fondation Santé et Radiofréquences. Celle-ci, abondée à parité par l’Etat et par les opérateurs avait en charge la programmation de la recherche sur le territoire national dans le domaine des radiofréquences. Priartem a dénoncé, lors de sa création, la forme choisie, une fondation où les opérateurs, financeurs et à ce titre membres du conseil d’administration avaient une position de contrôle direct sur la politique de recherche dans leur domaine.
Tout n’y fut pas totalement négatif. La mise en place d’une instance de dialogue, à laquelle nous avons activement participé, au sein de cette fondation, a ainsi ouvert les possibilités d’un échange entre de nombreux membres du conseil scientifique et nous-mêmes, représentants de la société civile. Présentée comme une expérience modèle du dialogue entre société civile et monde de la science, elle est à l’origine de la création du comité de dialogue « radiofréquences » à l ‘ANSES.
La création d’une taxe parafiscale – que nous demandions – a permis de redéfinir le dispositif de financement. C’est aujourd’hui l’ANSES, agence publique, qui gère les fonds publics de recherche abondés par cette taxe, laquelle permet, par ailleurs, de financer les mesures de champs chez les riverains d’antennes-relais.
Quelle analyse pouvons-nous faire de ce rendu de recherches. Tout d’abord un sentiment de « déjà vu » lorsque le matin nous avons eu le droit à des duettistes, bien connus de nous, venus rapporter – voire asséner - toujours les mêmes résultats : « no effect », ou encore à la présentation d’une étude sociologique sur les « craintes diffuses » - et donc irrationnelles (ndlr) - du public..
Si l’on pouvait associer ce déjà vu à une époque révolue ce serait relativement rassurant. Hélas ! les choses ne sont pas si simples. Si l’on retrouve toujours les mêmes personnes c’est que nous sommes, sur ce dossier, face à une difficulté majeure mais qui n’est pas le fruit du hasard : celui de la taille du vivier d’équipes spécialisées sur ce domaine. Pendant des années tout a été fait pour décourager de nouvelles équipes d’y prendre position. Le champ de la recherche comme celui de l’expertise a été accaparé par un tout petit nombre de chercheurs, lesquels se sont vite trouvés sans concurrence.
Ainsi, lorsque la Fondation a lancé son dernier appel à communication, elle a reçu 31 réponses, ce qui est peu. Mais surtout sur ces 31 réponses : 6 provenaient d’un même laboratoire, 4 provenaient d’un autre laboratoire, 4 autres d’un 3ème et 3 d’un quatrième. Ces quatre laboratoires représentaient à eux seuls plus de la moitié des réponses or, il ne s’agissait pas de n’importe quels laboratoires. Ils étaient tous bien connus de nous pour défendre bec et ongle la thèse du déni de risque.
Lorsque l’ANSES nous a fait connaître le résultat de son premier appel à projet, nous avons pu constater que ces mêmes laboratoires trustaient encore un certain nombre de projets.
Si l’on veut assurer une recherche plus indépendante du poids des lobbys, il est nécessaire de diversifier les approches et donc de favoriser la multiplication des équipes et des chercheurs. Pour cela plusieurs conditions doivent être satisfaites qui sont aujourd’hui rendues possibles par le mode de financement et de gouvernance de la recherche dans ce dossier :
La première est la pérennité des financements qui assure aux équipes qui veulent investir dans ce domaine une possible continuité ;
La seconde est de définir un équilibre entre fidélisation et renouvellement des équipes. La science, cela se fait aussi par accumulation ce qui signifie investissement intellectuel dans la durée ;
La troisième, et non la moindre eu égard aux errements passés, est la protection des chercheurs et des laboratoires même si leurs résultats ne vont pas dans le sens des industriels. Lorsque l’on voit, dans un autre dossier tout aussi chaud et controversé que les radiofréquences, un chercheur reconnu être contraint de travailler en secret pour être sûr de pouvoir aller jusqu’au bout de sa recherche, lorsqu’on a connu les accusations insensées portées contre certains chercheurs et certaines recherches, on mesure qu’il ne s’agit pas d’une mince exigence.
L’ouverture sur une nouvelle ère ?
Quelques éléments peuvent aujourd’hui alimenter un certain espoir de voir avancer la connaissance sur des domaines aussi essentiels que l’épidémiologie et l’EHS.
La présentation de l’étude Mobykids, étude internationale portant sur les risques de tumeur du cerveau chez les enfants liés à l’exposition aux radiofréquences était extrêmement intéressante. La question des enfants est au cœur de ce dossier où tout le monde s’accorde à reconnaître leur vulnérabilité tout à fait particulière et où la multiplication et la diffusion des applications utilisant des radiofréquences tendent à exposer de plus en plus précocement (y compris in utero) les enfants. Le lancement au niveau international de cette première enquête épidémiologique sur les liens entre cancers du cerveau et exposition aux radiofréquences chez les enfants par une partie des équipes d’interphone est une très bonne chose pour l’amélioration des connaissances.
Cependant, les retards pris dans sa réalisation en raison des difficultés rencontrées pour collecter les données sont préoccupants. Y aurait-il des blocages ? A quel niveau ? Affaire à suivre car les résultats de ce type d’investigation sont très attendus. Or, on sait qu’une enquête épidémiologique dure plusieurs années. Tout retard pris au démarrage allonge d’autant les délais de restitution des résultats.
A propos d’épidémiologie, il est à noter également une avancée significative concernant les riverains d’antennes. L’ANSES a, en effet, décidé de lancer des travaux exploratoires dans des domaines considérés comme importants et qui n’ont pas rencontré jusqu’ici un intérêt de la part des équipes de recherche. Il s’agit donc d’une démarche volontariste qui reprend une de nos revendications les plus anciennes. Le protocole d’appel à recherche n’a pas encore été déterminé mais il le sera avec nous, ce qui marque, là aussi un progrès sensible dans la reconnaissance de la place de l’acteur associatif, non pas dans la réalisation de la recherche mais dans la définition des priorités de recherche.
Concernant l’EHS, les présentations qui ont été faites ont enfin permis de sortir de l’approche a priori qui considère cette pathologie comme relevant exclusivement du psychosomatique. Les chercheurs ont montré l’ampleur des questionnements qui demeuraient sur celle-ci, apportant aux électrosensibles présents dans la salle le réconfort de voir leurs maux pris en compte et l’inquiétude quant au temps nécessaire à l’avancée de la connaissance sur les mécanismes en œuvre.
Ce sont d’ailleurs les sentiments qui dominent à l’issue de cette journée, l’espoir que la recherche, dotée de moyens supplémentaires, avance, dans un contexte plus ouvert à tous les questionnements et plus transparent et une frustration certaine tant les questions dominent sur les réponses alors même que les souffrances liées à l’exposition aux ondes de la téléphonie mobile sont exprimées par un nombre croissant de personnes
D’autant que, pendant ce temps, les applications utilisatrices de radiofréquences se multiplient augmentant les niveaux de champs électromagnétiques et la complexité des combinaisons de fréquences auxquels nous sommes exposés. L’ANSES ne peut être rendue responsable de ce hiatus entre la nécessité d’agir vite et la durée dans laquelle s’inscrit la progression de la connaissance scientifique. L’action relève de la sphère politique ou politico-administrative
Nous ne pouvons donc que regretter l’absence des décideurs, seuls à même de traduire dans l’action politique ce hiatus en appliquant dès maintenant le principe de précaution. Dans la liste des inscrits à ce colloque pas un haut responsable du Ministère de la Santé. La DGS (direction générale de la santé) brillait par son absence. Si frustration il y eut c’est surtout face à cette dérobade des autorités en charge de la santé qu’elle est liée.
C ‘est ce sur quoi a conclu Janine Le Calvez, Présidente de Priartem qui avait été invitée par l’Agence à participer à la table ronde de clôture de cette journée.
Janine Le Calvez, Isabelle Cari, Marie-Jeanne Potin et Eve Scoffié ont assisté à ces rencontres pour PRIARTEM, Sophie Pelletier et Manuel Hervouet pour le Collectif des électrosensibles.
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